1 095 jours

Ça fait aujourd’hui 1 095 jours que je suis pigiste. Ça, c’est trois ans. Il y a trois ans jour pour jour, je quittais calmement (je vous le jure, y’a des témoins!) une job qui ne menait à rien dans une boîte qui n’allait nulle part pour devenir volontairement travailleuse autonome. De mon propre chef, j’ai sauté dans le vide à pieds joints, écoutant le précieux conseil d’une amie qui m’a dit que des jobs qui ne menaient à rien, je pourrais en retrouver à la pelle si mon aventure de pigiste échouait. Pas faux!

1 095 jours, c’est pas mal de temps pour découvrir l’environnement déstructuré que j’ai choisi. Et comme on vit à l’ère des listes, j’en dresse ici une belle qui fait état de mes constats les plus éclairés quant au #freelancelifestyle.

  1. À la pige, on est toujours en mode découverte, tel Jacques Cartier avant qu’il ne devienne un pont. Terrains inconnus, processus mystérieux, toilettes cachées, méthodes de travail opaques pour le non-initié, cartes magnétiques, codes, mots de passe, et l’impossible maîtrise du qui fait quoi. Faut être à l’aise avec le concept de mouvance.
  2. À la pige, on n’a jamais besoin de renouveler sa garde-robe, sauf quand on boudine à cause du rosé et du camembert absorbés en trop grandes quantités comme c’est PEUT-ÊTRE mon cas. Personne ne voit le pigiste porter les mêmes vêtements défraichis été après été et c’est tant mieux.
  3. À la pige, on retrouve régulièrement des collègues d’ailleurs, des compagnons d’une ancienne vie. C’est donc la manne aux bisous et aux moments joyeux de « Hein! Chu donc ben content-e de t’revoir! ». Notez que plus on avance en âge, plus ces éclats de joie sont sincères : en vieillissant, on ne se préoccupe plus beaucoup de ceux qu’on n’aime pas.
  4. À la pige, on ne fait plus de bénévolat involontaire. Une heure travaillée est toujours une heure payée, à moins qu’on décide de faire une fleur à un client gentil. Les heures supp se traduisent désormais en revenu supp qui lui, offre la possibilité de voyages supp.
  5. À la pige, quand on retrouve d’anciens collègues d’il y a 10 ou 15 ans, ils occupent habituellement des postes vachement plus importants qu’il y a 10 ou 15 ans. C’est donc dire que nos coéquipiers d’antan sont aujourd’hui des patrons. Et les patrons, ça engage les pigistes. Revoir point 3.
  6. À la pige, on a cet immense privilège de pouvoir se débarrasser des clients usants. Ceux qui ne payent pas, ceux qui payent mal, ceux qui ne répondent pas au téléphone ni aux courriels ou ceux qui appellent sans arrêt. J’en ai viré seulement trois en trois ans, mais ces trois fois se sont avérées grandement libératrices.
  7. À la pige, les revenus sont intimement liés aux compétences. C’est la meilleure raison qui soit de ne jamais s’assoir sur ses lauriers. Le pigiste a tout intérêt à bien faire ce pour quoi on le paye s’il veut qu’on le rappelle. La longévité d’un pigiste est un testament à sa compétence. Je vous rappelle ici, très humblement, que je roule la pédale au fond depuis trois longues années.
  8. À la pige, on est à la fois patron et employé. Le pigistemployé cherche continuellement à satisfaire le pigistepatron qui lui, accorde les semaines de vacances de manière beaucoup plus libérale. Tout gagne en efficacité : les réunions entre les deux parties commencent à l’heure et durent très peu longtemps.
  9. À la pige, nul besoin de réseauter : chaque nouveau mandat apporte son lot de nouvelles rencontres, de poignées de main et de découvertes humaines. C’est bien fait, puisque le pigiste n’a pas le temps de réseauter.
  10. À la pige, on doit être un champion mondial d’administration. Taxes, acomptes provisionnels, feuilles de temps, facturation : des réalités qui en font frémir plus d’un, mais qui, quand elles sont directement liées au portefeuille, deviennent soudainement moins douloureuses à gérer.

La pige, ce n’est pas pour tout le monde. Cela dit, c’est de loin la meilleure décision que j’ai prise dans ma vie. C’est aussi la job que j’ai gardée le plus longtemps. Sans doute parce que je suis enfin fière de moi, un feeling auquel je n’avais pas goûté souvent auparavant. Fière de m’être tissé un réseau solide, fière que ma grande gueule et mon humour fin servent enfin à quelque chose, fière d’être l’unique responsable de mon petit succès. High five, moi!

5 Commentaires

  1. Wolfgang dit :

    🙏🏻 Avec moi aussi!!!
    Parce que bravo + j’aime ça faire ça !

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  2. Que c’est bon ton article, et ton parcours! Je t’en souhaite 3 autres, multiplié par le facteur de ton choix!

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  3. Stéphanie dit :

    Vraiment heureuse pour toi 😀 Et j’ai lollé à la joke de Jacques Cartier.

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